[FR]   Plutôt que de figer l’exposition dans une restitution fidèle, Tabula Rasa propose une navigation fluide à travers des espaces vides, hantés par les dispositifs eux-mêmes : projecteurs, câbles, écrans et structures deviennent les protagonistes silencieux d’une fiction sans corps. La caméra, en plan séquence subjectif, traverse ces lieux comme un témoin invisible, soulignant à la fois la présence et l’absence.

 

Ce choix formel détourne la logique du spectacle pour ouvrir un espace mental, librement réinterprétable par le·la spectateur·rice.

Les formes organiques animées dans le film sont directement générées à partir des données hertziennes émises par les objets électroniques présents dans l’exposition. Ces formes vibrent toutes à la même fréquence, matérialisant visuellement les ondes invisibles qui traversent l’espace. Cette animation crée un lien sensible entre le tangible et l’immatériel, et donne corps à ces signaux autrement inaudibles ou invisibles.



 

Inspirée par les études fluides (Blues Humanities, écopoétique de l’eau) et les équations de Navier-Stokes, la représentation du mouvement liquide devient une métaphore centrale. L’eau – instable, insaisissable, vivante – incarne la possibilité d’un imaginaire en résistance face aux structures rigides du réel et du numérique. Elle révèle aussi, de manière poétique, les tensions entre visibilité et invisibilité, contrôle et chaos.



 

Dans un monde saturé d’images et de données, Tabula Rasa oppose la lenteur à la vitesse, la suggestion à la saturation, la sensibilité à l’efficacité. Son esthétique minimale et sensorielle cherche à créer une brèche dans la surproduction visuelle, en invitant le public à ralentir, à ressentir et à réinterpréter.



 

Ce film n’est pas interactif au sens technologique, mais profondément participatif : il laisse place à l’interprétation, à l’imaginaire, et redonne au·à la spectateur·rice un rôle actif dans la construction du sens. Par cette posture, Tabula Rasa fait du numérique non pas un outil d’aliénation, mais un territoire de réappropriation, d’émancipation et de poésie.